The Alters : Voyage au quatre coins de la vie

The Alters : Voyage au quatre coins de la vie

Bon, ce n’est pas la première fois qu’on vous parle d’un jeu 11 bit Studios, que ce soit ses productions (Frostpunk, This War of Mine etc.), ses publications (Indika, The Taumaturge etc.) et même ses rejetons, ceux qu’ils ont largement inspirés (Ixion, Endzone). Bref, il faut le dire, sans non plus être parfait, le studio varsovien a toujours su se faire remarquer par des productions très ancrées dans leur culture et avec une qualité assez haute. Juin dernier, ils ont débarqué sur la scène avec The Alters, un jeu de Science-Fiction, qui fait la part belle à la survie et à la gestion sociale, le tout dans une ambiance mêlant Split et Interstellar.

La roue tourne va tourner

Je vais essayer de vous résumer l’histoire de The Alters pour vous donner envie sans trop divulgâcher, ce serait dommage. Vous incarnez Jan Dolski, un ouvrier fraichement envoyé dans l’espace pour une mission de recherche, seul survivant d’un crash sur une planète très peu accueillante. Après le constat mortel de vos collègues et une alerte sur l’arrivée d’une vague de radiation du soleil un peu trop à l’aise avec la proximité, vous voilà de retour sur votre vaisseau. Vous l’avez vue tout en haut de cet article, sa forme est aussi étrange (une grosse roue de vélo, avec une base en son centre) que fascinante. Les rapports faits avec votre supérieur sont défaitistes au possible : vous êtes seul dans un bâtiment qui nécessite au moins 5 personnes pour tourner et il faut envoyer un signal manuel dans un coin assez en hauteur pour des secours. Cependant, cette planète abrite aussi votre objectif initial : du Rapidium. Une ressource nécessaire pour le progrès de l’humanité, mais aussi pour cette mission, qui accélère le développement des cellules. Ce sera votre seul atout pour survivre en permettant la création de clones. Ou plutôt, des alters.

Le jeu repose sur le principe des « What if … » bien connu des amateurs de Comics et des fan-fics, où on se demande ce que deviennent des personnages si un évènement clé de leur histoire était modifié. En se connectant à l’ordinateur Quantique de votre base, vous voyez que vous avez accès à la frise chronologique de votre vie. L’occasion, déjà, d’en savoir plus sur notre moustachu en combi (pas l’italien), un fils d’ouvrier au passé violent et douloureux qui a fait de son mieux pour s’en sortir et ne pas ressembler à son père. Pour créer un alter, vous allez avoir besoin de ressources (du Rapidium mais pas que) et surtout définir un moment clé de votre vie. Que se serait-il passé si, au lieu de ne rien faire devant la violence de votre père, vous vous étiez rebellé ? Ou bien si vous aviez plutôt soutenu votre femme dans ses ambitions professionnelles plutôt que de bouder ? Il existe au total 9 choix (pour un total de 10 alter-égo) qui auront chacun une histoire différente, avec chacun des capacités différentes (scientifique, mineur, botaniste, médecin, etc.) mais aussi un caractère différent.

Conflit de Jordan

Comme dit en en-tête, la gestion sociale est aussi au centre de cette aventure, bien plus que la survie finalement. Outre le fait que vos alters vont devoir faire face à la puissante réalité qu’ils n’existent pas vraiment dans ce monde et que leurs souvenirs sont générés par un ordinateur, vous allez aussi devoir composer avec leurs peurs, leurs envies, leurs craintes et tout un tas de choses pour essayer de gagner leur confiance. Autant vous prévenir tout de suite : Ce n’est pas simple et si un de vos alters ne vous fait plus confiance, vous ne pourrez plus lui parler et il pourra même ne plus vouloir travailler, voir se rebeller. Je ne vous en dis pas plus parce que ce serait vraiment vous gâcher le plaisir, mais gardez en tête que tout ce pan du jeu est très important.

En tant que capitaine par défaut de cette expédition, vous allez souvent être confronté à des choix dans votre manière de gouverner (on sent forcément les fondations de Frostpunk). Est-ce que vous décidez d’enclencher les heures supplémentaires ? Est-ce que vous accordez un jour de repos ? Est-ce que vous autorisez qu’une personne qui ressente de la douleur travaille sous opiacés ? Est-ce que vous autorisez les alters à avoir leur propre chambre ou mettre juste des dortoirs ? Tout un tas de choses qui révèleront quel genre de leader vous êtes face à une situation plutôt négative. Votre but sera, la plupart du temps, toujours le même : faire avancer votre grosse roue de l’espace vers le repère marqué par votre supérieur, afin d’appeler l’équipe de secours, ceci avant l’arrivée du soleil qui marquera un gigantesque pique de radiation (le jeu est plutôt généreux sur les informations du temps restant). Pour ça, il vous faudra des ressources et, souvent, débloquer le chemin. Chaque zone sera accompagnée d’une nouvelle bizarrerie qui vous barre la route. Certaines dilatent le temps (et donc vous réduit votre temps effectif de la journée), d’autres vous vide complètement les batteries et certains sont même très agressifs et vous attaqueront. Il existe tout un tas de choses plutôt fascinantes dans ce monde, qui vont régulièrement rendre l’exploration plus difficile, mais surtout plus intéressante, et à laquelle vous devrez trouver une solution.

Cette version botaniste de vous, elle est dans la pièce avec nous ?

Si le nom d’Alex Jordan ne vous dit rien, dites-vous qu’il fait partie de la clique de Natural 6, un actual play de Donjons et Dragons regroupant des professionnels du doublage anglais comme Ben Starr (Clive/Final Fantasy XVI, Verso/Clair Obscur Expedition 33) ou Doug Cockle (Geralt/The Witcher). Alex Jordan s’est fait remarquer pour la voix de Mr Hands dans Cyberpunk 2077, la voix masculine de Rook de Dragon Age : The Veilguard ainsi que les bruits de relation sexuels dans Baldur’s Gate 3 (ne cherchez pas). Pour The Alters, le bougre a l’outrecuidance de faire une prestation de 10 personnages différents avec tous les Jan Dolski, avec chacun leurs intonations, leurs caractères, etc. Chapeau l’artiste, comme on dit.

Une fois votre petite équipe de choc au complet, vos journées vont rapidement avoir une routine solide. Dès le réveil, vous allez commencer vos préparatifs pour sortir et explorer. Trouver des gisements de ressources et y mettre des machines de minage. Les relier à votre base et envoyez vos camarades faire ces tâches-là pendant que vous vous concentrez sur autre chose. Vos alters peuvent miner, construire des trucs, préparer des repas ou des médicaments, faire des recherches, entretenir la base, etc. Chaque tâche pourra être attribuée vous permettant de vous organiser correctement. Mieux encore, quand certains auront fini leurs tâches, ils pourront faire une suggestion sur ce qu’ils peuvent faire ensuite, de quoi ravir tous les managers dynamiques parmi vous. Une fois la journée finie, vos alters reviennent à la base s’ils sont sortis, mettent fin à leurs tâches et se détendent (si vous avez mis des espaces de détente).

Dolski Dolski Litterature Club

Vous avez là un beau récap de ce que vous attend cette aventure, qui se joue plus facilement à la manette qu’au clavier/souris, étant donné qu’il se passe à la troisième personne. Je dirais que c’est un premier pas réussi pour 11 bit qui n’est clairement pas dans son confort, malgré quelques couacs sur l’inertie et les collisions de son personnage qui patine parfois (et certains moments de gestion plutôt poussifs dans l’interface). Mais ce que réussi vraiment à faire 11 bit ici, c’est d’utiliser les différents embranchements d’histoire comme une partie intégrante du gameplayOu « jouabilité » en français, fait référence à la façon dont le joueur interagit avec un jeu vidéo.. Je suis plutôt un gros client des jeux à plusieurs fins, mais il y avait toujours deux extrêmes frustrants. Il y a l’école Telltale, qui va marquer les éléments importants, sans jamais réellement montrer l’impact que ça aura sur le futur. Puis l’école Quantic Dream, qui va volontairement détailler ce qu’il faut faire pour avoir une fin particulière (ce que je déteste). Notez bien que je grossis les traits et que ces « écoles » n’existent pas concrètement, c’est moi qui invente.

Dans The Alters, les choix sont visibles et chacun des alters vont être confrontés directement aux regrets, aux ambitions et aux sacrifices des autres. C’est comme voir une discussion entre 5 joueurs de Baldur’s Gate 3 qui s’étonnent que l’un n’ait pas pris cette décision, qui semble pourtant évidente de leur point de vue. Cette dimension-là est aussi exploitée sur l’histoire du présent. Vos choix seront toujours très clairs, mais aussi discutés par les alter. Vous aurez un feedbackRetour d'expérience direct, et surtout, des mises en garde (un peu ce qu’avait tenté Obsidian dans The Outer Worlds). C’est un moyen qu’ont les développeurs pour régulièrement vous tenir au courant d’où vous mènent vos choix, avec la possibilité de corriger le tir (dans certaines mesures). Ils disent davantage sur notre comportement et surtout, évitent de tomber dans le manichéen bas du front, il n’y a pas de bons ou mauvais choix et ceux-ci auront forcément une répercussion négative sur quelqu’un.

Malheureusement, après vérification d’autres parties, je me suis rendu compte que tout était plutôt dirigiste. L’illusion fonctionne un peu, mais il suffit de refaire une partie pour voir qu’on est souvent tenue par la main. Certes, vous ne pourrez pas faire les 10 alters en une partie, mais leur impact sur l’histoire sont si légers que votre partie sera peu ou prou la même, ne resteront que les choix finaux, assez limités. C’est probablement son plus gros défaut et celui qui est le plus impardonnable au vu de son propos de base.

H0wler
The Alters est un jeu au principe fantastique. L’idée principale, l’univers, le décor et toute la partie concernant les alters (avec la fabuleuse performance d’Alex Jordan) en font un jeu absolument unique. Il mêle la gestion de base et le social avec brio, si on met de côté que ce n’est finalement pas CE jeu à la rejouabilité cocasse. Du coup, je ne peux décemment pas, y coller une Sélection GSS. Mais je le recommande quand même, ne serait-ce pour son concept original et parce qu’on a besoin de ce genre de production en ce moment, même imparfaite. Il faut juste être conscient que les choix ne sont pas aussi importants que 11 bit l’a annoncé.
Skywilly
L’avis de Skywilly :
On ne s’attend pas à un jeu aussi malin et surprenant quand on le découvre. Même la promotion autour du jeu vendait un titre tout de même moins moderne et prenant qu’il ne l’est réellement. C’est sans nul doute un des jeux de cette année, en espérant qu’il sorte de son succès « de niche » pour toucher le grand public. Le temps nous le dira…

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